LA PRISON COMMUNE DE QUÉBEC (1812-1867)
Le Morrin Centre, qui accueille désormais une bibliothèque anglophone et un centre culturel, a été au XIXe siècle la prison commune de Québec. On remarque encore des traces de la prison dans l’architecture du bâtiment, surtout au rez-de-chaussée où on peut y voir les graffitis sur les planches de bois originales.
Les artéfacts retrouvés nous permettent de confirmer certains écrits historiques, dont les problèmes inhérents à l’emplacement de la prison. En effet, situé en plein cœur de la ville, ses fenêtres donnaient directement sur les rues ce qui facilitait le trafic illicite ! Le fragment de bouteille de cognac présenté dans la vitrine représente ce trafic qui se produisait la nuit si les gardiens n’étaient pas attentifs. Ils n’avaient qu’à dérouler une ficelle pour se procurer par leurs complices de l’alcool, du tabac, des outils pour s’évader, etc. En échange, les prisonniers donnaient des couvertures ou des vêtements donnés par la prison.
Comme mesure disciplinaire, la mise aux fers était la plus fréquente ou la mise en isolement dans la cellule du trou noir qui existe encore aujourd’hui. Il pouvait y avoir aussi une privation de tabac puisqu’à une certaine époque une certaine quantité était autorisée. On a justement retrouvé plusieurs pipes à tabac qui sont présentement présentées dans le musée.
Finalement les brosses à dents en os démontrent la volonté d’amélioration des conditions d’hygiène dans la prison provenant des idées de John Howard. Même si elles n’étaient tout de même pas idéales, on peut aussi constater dans les archives la disposition de latrines et le ménage qui devait être effectué, mais les plaintes d’odeurs nauséabondes et d’insalubrité sont tout de même dénoncées par les autorités de l’époque.
Historique
L’histoire carcérale du Morrin Centre remonte à son ancienne vie de redoute Royale de Québec faisant partie des anciennes fortifications de la ville lors du régime français. Lorsque les prisons, comme celle des magasins du roi, étaient pleines, d’autres bâtiments sont alors convertis pour accueillir les prisonniers comme la redoute Royale. Les conditions de vie y sont très dures et les maladies y sont omniprésentes. Lors du changement de régime en 1759-1760, la redoute Royale devient la première prison commune de la ville sous les Britanniques puisque les autres ont été détruites lors des affrontements. En 1763, elle accueille la célèbre Marie-Josephte Corriveau, accusée d’avoir assassiné son mari et source de la fameuse légende de la Corriveau[1]. En somme, la prison ressemblait à toutes celles d’avant la réforme dans les colonies nord-américaines ; un vieux bâtiment mal adapté, sans séparation des prisonniers en fonction des crimes et une mauvaise hygiène.
À la fin du 18e et au début du 19e siècle, les mentalités changent face aux crimes et aux peines en Europe ce qui influence la conception du nouveau bâtiment et actuel Morrin Centre. En 1807, cinq ans après la dénonciation officielle des conditions de vie médiocre de la prison des casernes de l’Artillerie, débute la construction de la nouvelle prison. François Baillargé, architecte bien connu à Québec, a repris les idées de John Howard comme celle voulant que chaque bloc se compose d’une pièce commune centrale entourée de cellules pouvant être fermées à clé. Elle sera terminée en 1812 avec une apparence extérieure très semblable à aujourd’hui.
[1] FERRON, Evelyne. La Corriveau au delà du folklore québécois. Historia, 2015. http://www.historiatv.com/blogue/la-corriveau-au-dela-du-folklore-quebecois
Qui est John Howard ?
Un marchand anglais retraité qui a fait une tournée des prisons britanniques et européennes. Il a écrit en 1777 un compte-rendu de l’état des prisons en Angleterre et sur le vieux continent en plus d’une liste de marches à suivre pour traiter les prisonniers plus dignement. Voici certaines de ses recommandations : un bon approvisionnement en eau, la séparation des prisonniers en fonction des délits et séparer les hommes et les femmes.