L’îlot des Palais et les mystérieuses amulettes égyptiennes

Figure 1.

 

Figurines égyptiennes du lot 64A22 mises au jour sur le site de l’îlot des Palais (CeEt-30) à Québec en 2009. Il s’agit des divinités Nephtys, Horus et Anubis ; le quatrième spécimen ne peut être identifié. (Photo : Lise Jodoin, Laboratoire de restauration, Département d’histoire, Université Laval)

Quatre figurines égyptiennes ont été découvertes sur le site de l’Îlot des Palais lors du chantier-école de 2009. Elles ont été retrouvées au pied de l’escalier monumental du second Palais de l’Intendant comme il est possible de visualiser sur les plans ci-dessous :

Figure 2.
Dessins de l’escalier monumental : A) Plans Profils et élévations au Palais dans la ville de Québec 1722 par Chaussegros de Léry, 26 septembre 1726 (PH/350/Québec) ; B) Plan du Second Palais, 1718, Gaspard-Joseph Chaussegros de Lery (FRCAOM 03DFC404A).

La première statuette a pu être identifiée comme étant la déesse Nephtys en raison des symboles sur sa tête. Elle fait partie des cinq divinités au cœur du plus important mythe égyptien, celui selon lequel elle assiste Isis à rassembler le corps d’Osiris pour lui redonner vie après que son frère Seth l’ait démembré. Nephtys est alors consacrée à la protection des morts dans le culte égyptien.

La deuxième statuette correspond au dieu Horus en raison de sa tête de faucon et du Sekhemty (couronne) qu’il porte, symbole du pouvoir royal de l’Égypte unifiée. Puisqu’il est le fils d’Osiris et d’Isis, il hérite du trône et règne sur le royaume des morts après sa résurrection. Il représente la notion d’héritage de père en fils de la culture égyptienne et du principe d’harmonie, ordre et justice.

La troisième amulette ne peut pas être identifiée hors de tout doute en raison de son état de conservation. En la comparant à la collection du Musée de la Civilisation de Québec, Samuel Dupras propose qu’il s’agisse d’Anubis. Cette divinité a un rôle de protecteur et gardien des morts.

La quatrième statuette est impossible à identifier, mais il s’agit fort probablement d’une autre statuette égyptienne et l’absence de vêtement couvant ses jambes indique qu’il s’agit d’une représentation masculine.

Les figurines ont été soumises à des analyses aux rayons X pour connaître leur technique de fabrication et ainsi prouver qu’elles provenaient bel et bien d’Égypte.

Cette analyse a permis de révéler qu’elles sont faites dans un type de céramique bien particulier que l’on nomme « faïence égyptienne ». Cette faïence s’approche plus de la fabrication du verre que celle de la terre cuite parce qu’elle est chauffée à très haute température (plus de 1000°C). L’élément le plus intéressant dévoilé par le scan aux rayons X a été la présence d’un morceau de plomb au centre des figurines. Elle a été placée par les artisans pour augmenter le poids et imiter la lourdeur des statuettes qui étaient auparavant fabriquées en pierre précieuse (lapis-lazuli, turquoise).

Figure 3.
 a) Image scanographique d’une coupe produite lors de l’étude de l’amulette no CeEt-30-64A22-3 ; b) image scanographique d’une inclusion de plomb située à l’intérieur de l’amulette no CeEt-30-64A22-3.

 

Cette technique de fabrication bien précise et les divinités représentées permettent de donner une fourchette de temps durant laquelle il est possible qu’elle ait été produite. C’est donc lors de la 26e dynastie de 664 à 525 av. J.-C. que les spécialistes estiment leurs datations.

Ces oudja, aux propriétés « magiques » dans la culture égyptienne, étaient portées en bijoux, déposées dans une boîte, cousues sur un vêtement, suspendues à un fil, etc. Leur signification exacte est difficile à définir, mais il semble y avoir un lien avec la protection d’Osiris et la réincarnation. De plus, la couleur verte pourrait faire appel à la régénérescence, tandis que le turquoise est lié à la vie et la renaissance.

Bref, la présence de ces statuettes égyptiennes en Nouvelle-France est révélatrice du phénomène social qu’est l’égyptomanie, très répandue à l’époque, mais aussi des intérêts variés et insoupçonnés des dirigeants de la colonie.

Source :
TREYVAUD, Geneviève et coll. « De l’Égypte à Québec, un quatuor d’oudja à l’îlot des Palais ». Archéologiques, 26 (2013), p. 145-163.